Une femme aux commandes, directrice de casino

Nathalie Lévêque, c’est un mélange d’énergie joviale et de détermination. Tombée dans l’univers des casinos un peu par hasard il y a près de 30 ans, elle s’y est imposée à force de travail et de persévérance  jusqu’à devenir l’une des toutes premières femmes à diriger un établissement dans ce milieu longtemps façonné par des codes masculins. De ses débuts comme analyste machines à sous à son poste actuel de directrice générale du Casino Barrière de Biarritz, elle a dirigé plusieurs établissements emblématiques. Avec simplicité et sincérité, elle nous a ouvert les portes de son quotidien et de sa vision du métier. Une rencontre inspirante, riche d’enseignements, pour toutes celles et ceux qui rêvent de bousculer les codes.

1. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire carrière dans les casinos, un univers que vous n’aviez pas prévu au départ ?

Comme beaucoup de professionnels du secteur, je n’avais pas prévu, au départ, d’évoluer dans l’univers des casinos. Ce n’était pas une vocation initiale, mais plutôt le fruit d’une rencontre entre une opportunité professionnelle et un environnement qui m’a rapidement captivée.

Titulaire d’une maîtrise en mathématiques spécialisée en probabilités et statistiques à 23ans, je me dirigeais initialement vers l’INSEE. Mais cette voie ne correspondait finalement pas à mes envies. J’ai donc pris un temps de recul et effectué des saisons en tant que barmaid, jusqu’à intégrer le casino de Hossegor à l’été 1997, au moment de son rachat par le groupe Barrière. Curieuse, j’ai transmis mon CV à la nouvelle direction, qui m’a alors proposé de créer un poste d’analyste Machines à sous. Ces dernières étaient encore relativement récentes dans les casinos, et il y avait un besoin de personnel compétent pour mieux les comprendre.

C’est ainsi que j’ai mis un premier pied dans ce monde… il y a près de 30 ans maintenant !

2. L’ambition de diriger un casino s’est-elle imposée naturellement ou avez-vous dû vous affirmer pour progresser ?

Le désir de prendre des responsabilités est venu progressivement. Au départ, je souhaitais surtout comprendre le fonctionnement global d’un casino, un univers très complexe où cohabitent gestion, réglementation, relation client et management.

C’est en grimpant les échelons et en comprenant les enjeux stratégiques que l’envie de diriger un établissement a émergé. Il ne s’agissait pas seulement d’évoluer hiérarchiquement, mais d’avoir un véritable impact sur le développement d’un casino.

Dans ce secteur, l’évolution repose à la fois sur les compétences, les opportunités et une certaine audace. Il faut savoir saisir les occasions, provoquer sa chance et s’affirmer dans un milieu qui n’était pas toujours très ouvert aux profils atypiques ou féminins.

3. Quels ont été les leviers essentiels de votre ascension vers la direction ?

Contrairement aux générations actuelles, nous n’avions pas accès à des formations spécifiques au management en casino. L’évolution se faisait avant tout par l’expérience terrain, la curiosité et la volonté d’apprendre.

Mon cursus en mathématiques m’a évidemment aidée, en me donnant une rigueur d’analyse et une capacité à comprendre les enjeux financiers. Mais ce sont les expériences accumulées sur le terrain et la mobilité géographique qui ont été déterminantes. Changer d’établissement permet d’acquérir des compétences variées, de se faire remarquer comme profil à potentiel et d’accéder plus rapidement à des postes à responsabilité.

4. Comment votre style de management s’est-il adapté aux spécificités des 3 établissements du groupe Barrière que vous dirigez ou avez dirigé : La Baule, Royan et Biarritz ?

Chaque établissement possède sa propre dynamique, sa clientèle, ses spécificités et ses enjeux. Cela impose une grande adaptabilité dans le style de management.

La Baule est un casino saisonnier, avec une clientèle haut de gamme et une activité très fluctuante. Le défi est d’y gérer les pics d’activité estivaux tout en maintenant l’attractivité hors saison.

Royan, de son côté, fonctionne davantage sur une clientèle locale et régulière. Le travail y repose sur la proximité, la relation client et l’animation continue.

Quant à Biarritz, c’est un établissement emblématique dans une ville très concurrentielle en termes de loisirs. Il faut être réactif, audacieux, et proposer une expérience client différenciante.

5. Comment se déroule une journée type et quel est le principal défi du poste ?

Le quotidien est rythmé par une multitude d’enjeux : opérationnels, financiers, humains… avec une grande part d’imprévus !

Le matin :

  • Revue des résultats de la veille (produit brut des jeux, fréquentation).
  • Analyse des indicateurs de performance (rentabilité, activités hors jeux).
  • Réunions avec les chefs de service (jeux, sécurité, restauration, marketing).

En journée :

  • Points avec le siège, les autorités de régulation, les partenaires.
  • Visites sur le terrain, échanges avec les équipes.

Le soir :

  • Présence en salle pendant les temps forts.
  • Accueil des clients fidèles et VIP.
  • Supervision des équipes.

Le principal défi ? Trouver l’équilibre entre performance économique, satisfaction client, management et respect d’une réglementation exigeante.

6. Quelles compétences sont essentielles pour manager dans un casino, et comment articulez-vous savoir-être et savoir-faire ?

Dans un casino, le savoir-être est primordial : il s’agit d’un lieu d’accueil et d’émotion. Le manager incarne les valeurs de l’établissement et doit savoir motiver, rassurer, orienter et gérer les tensions, tout en restant exemplaire.

Mais le savoir-faire reste indispensable : un bon directeur doit maîtriser les enjeux techniques (réglementation, gestion des flux, animation, etc.) pour être crédible et prendre des décisions pertinentes. Il doit comprendre les contraintes de ses équipes et savoir s’adapter à un secteur en constante évolution.

7. Le secteur reste encore très masculin. Avez-vous rencontré des freins ou des stéréotypes en tant que femme dirigeante ?

Historiquement, les postes de direction dans les casinos étaient surtout occupés par des hommes issus du terrain. Aujourd’hui, les choses changent, mais lentement. Des stéréotypes subsistent, et parfois même des auto-censures chez certaines femmes.

Une femme est souvent davantage observée, doit prouver plus vite ses compétences et peut rencontrer des freins dans l’accès aux réseaux informels. Les clichés persistent : on pense qu’elle sera moins directive, moins à l’aise sur les aspects financiers ou techniques… alors que ce sont justement des compétences que beaucoup de femmes possèdent, parfois avec une approche plus stratégique et plus diplomate.

Au sein du groupe Barrière, la question est prise au sérieux, notamment sous l’impulsion de Joy Desseigne-Barrière. L’objectif est d’encourager davantage de femmes à oser franchir le cap de la direction.

8. Avez-vous eu des mentors ou modèles qui vous ont aidée à progresser dans votre carrière ?

Oui, j’ai eu la chance d’être entourée par des figures inspirantes, aussi bien masculines que féminines.

Certains mentors masculins m’ont apporté une expertise sur la gestion des opérations ou la stratégie financière, et m’ont fait confiance en me donnant des responsabilités clés. Des modèles féminins, plus rares mais précieux, m’ont montré qu’on pouvait diriger avec autorité tout en gardant son propre style.

Un bon mentor, ce n’est pas seulement quelqu’un qui transmet : c’est quelqu’un qui donne confiance, pousse à se dépasser et ouvre des portes.

9. Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaitent faire carrière dans ce secteur ?

Ne pas attendre la reconnaissance : aller la chercher. S’entourer de personnes bienveillantes, construire son réseau, et ne jamais cesser d’apprendre. Il faut oser, s’affirmer et garder une vision claire.

Avec de l’ambition, du travail et de la passion, il est tout à fait possible de réussir et de s’imposer.

10. Enfin, qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier aujourd’hui ?

Ce métier est unique car il conjugue stratégie, humain et animation. Gérer un casino, c’est diriger une entreprise avec des enjeux financiers forts, tout en créant une expérience client mémorable.

Ce qui me motive chaque jour, c’est l’énergie du lieu, les équipes à faire grandir, les clients à surprendre, et la nécessité de toujours innover. Le casino est un lieu d’émotions, de divertissement et de rêve. Trouver le juste équilibre entre rigueur et audace, tradition et modernité, c’est ce qui me passionne.

À travers son regard franc et son parcours inspirant, Nathalie Lévêque montre qu’il est possible de se faire une place, même dans un secteur encore masculin. Sa passion pour ce métier, son énergie et son envie constante de faire évoluer les choses sont palpables. Un bel exemple pour toutes celles et ceux qui veulent s’impliquer, progresser, et pourquoi pas, un jour, diriger un casino.